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Et si, pendant une semaine, on quittait notre confort quotidien pour vivre dans une cabane ouverte sur le ciel ?
Chaque automne, c’est ce que font des millions de juifs à travers le monde.
Ils célèbrent Soukkot, la fête des cabanes.
Une fête joyeuse, pleine de symboles, de gratitude… et de spiritualité en mouvement.
Un moment suspendu entre ciel et terre, mémoire et présent, pluie et lumière.
Prêt à entrer dans la soukka ?
Quand a lieu Soukkot 2025 ?
Chaque année, la date change. Pas au hasard, mais selon le calendrier hébraïque.
Soukkot commence le 15 Tichri, cinq jours après Yom Kippour.
En 2025, cela tombe du lundi 6 octobre au soir jusqu’au lundi 13 octobre au soir.
Mais attention : ce n’est pas une simple semaine. C’est un rythme en trois temps :
| Jour | Nom | Statut |
|---|---|---|
| 6 et 7 octobre (diaspora) | Yom Tov | Fête pleine, travail interdit |
| 8 au 11 octobre | ‘Hol Hamoed | Demi-fête, activités autorisées |
| 12 octobre | Hochaana Rabba | Jour spécial de prières |
| 13 octobre | Chemini Atséret | Fête distincte, prière pour la pluie |
| 14 octobre (diaspora) | Sim’hat Torah | Joie de la Torah, danses et lectures |
Un tempo unique. Entre repos, rituels, prières chantées et soupirs de joie.
Pourquoi vivre dans une cabane pendant Soukkot ?
Bonne question. Pourquoi sortir de chez soi pour manger (et parfois dormir) dans une structure instable, en toile, en bois ou en bambou ?
Parce que cette cabane – la soukka – est bien plus qu’un simple abri.
Une leçon vivante sur la fragilité
Pendant Soukkot, on se rappelle que la solidité des murs est une illusion.
Ce qui nous protège vraiment, c’est la confiance.
Celle qu’on place dans quelque chose de plus grand que nous.
Certains disent Dieu. D’autres parlent d’univers, de foi, d’espérance.
Dans le désert, pendant quarante ans, les Hébreux n’avaient que ça : des tentes, du sable… et une confiance fragile mais vivante.
Soukkot rejoue cette mémoire. En vrai. Avec le vent, le froid du soir, le chant des enfants qui rient sous les branches.
Un toit… troué exprès
La soukka n’est valable que si on voit le ciel à travers son toit.
Pas de plexi, pas de tuiles. Juste du feuillage, des palmes, des roseaux.
L’idée ?
Voir les étoiles. Ressentir l’air. Ne pas oublier que tout peut basculer. Et que justement, la vie est belle dans sa précarité.
Vivre la soukka au quotidien : une cabane, mille symboles
Construire une soukka, c’est tout un art. Mais aussi une joie. On la décore, on l’éclaire, on y mange ensemble, on y chante.
Les règles de base
- 3 murs au minimum, peu importe le matériau.
- Un toit végétal, non attaché au sol, laissant passer la lumière des astres.
- Assez d’ombre le jour, mais des trous pour voir les étoiles la nuit.
Le contraste est là, au cœur du symbole : ombre et lumière, abri et ouverture.
Habiter la cabane
La tradition demande de « résider » dans la soukka pendant sept jours.
Cela signifie :
- y prendre tous les repas, même le petit-déj !
- y passer du temps, lire, discuter, se poser.
- et pour les plus motivés : y dormir, sac de couchage ou matelas, selon l’ambiance.
Et surtout : y être vraiment présent. Corps, cœur et esprit.
Les Quatre Espèces : un bouquet de sens
Autre rituel incontournable de Soukkot : les Arbaat Haminim, ou Quatre Espèces.
Chaque jour (sauf Chabbat), les fidèles les saisissent en main pour un geste unique, tourné vers les quatre coins du monde.
De quoi s’agit-il ?
Voici ce fameux bouquet, avec leurs symboles :
- L’étrog : un gros citron parfumé (goût + odeur)
- Le loulav : une palme droite (goût, pas d’odeur)
- Les hadassim : branches de myrte (odeur, pas de goût)
- Les aravot : branches de saule (ni goût, ni odeur)
Un peu comme les gens, non ? Certains ont du savoir, d’autres du cœur, certains les deux, d’autres ni l’un ni l’autre.
Et pourtant, on les unit. On les agite ensemble.
Parce que l’unité fait la force, surtout dans la diversité.
Hochaana Rabba : le jour où tout se joue
Le septième jour de Soukkot, l’ambiance change.
Une prière pour la pluie… et bien plus
Ce jour-là, les prières prennent une autre intensité.
Les fidèles tournent sept fois autour de la bimah avec leurs Quatre Espèces.
Ils récitent les Hocha’anot, des prières suppliantes :
« Hochaana ! » = « Sauve-nous, de grâce ! »
Puis vient un geste mystérieux : frapper le sol avec des branches de saule.
Pourquoi ?
Pour symboliser l’humilité. Le renoncement.
Mais aussi appeler la pluie, cette bénédiction fragile qui fait pousser les graines.
Hochaana Rabba est un moment de clôture symbolique :
on dit que c’est là que le jugement de l’année est vraiment scellé.
Un clin d’œil au Temple de Jérusalem
Il fut un temps où Soukkot se vivait autrement.
Où le Temple de Jérusalem battait au rythme de la fête.
Trois fêtes de pèlerinage
Soukkot était l’une des trois fêtes pendant lesquelles les Juifs montaient à Jérusalem.
Les autres ? Pessa’h et Chavouot.
Au Temple, on offrait des sacrifices. On dansait. On priait.
Et surtout, on assistait à un moment unique : la Sim’hat Beth Hachoéva, ou « joie du puisement de l’eau ».
Imagine : la nuit, des flambeaux, des musiciens, des acrobates, des chants…
Une liesse populaire inégalée.
Les sages disaient :
« Celui qui n’a jamais vu la joie de cette nuit n’a jamais vu de joie de sa vie. »
Aujourd’hui, cette joie vit encore. Dans les chants. Dans les soukkot du monde entier.
Et dans les deux jours qui viennent juste après…
Chemini Atséret et Sim’hat Torah : rester encore un peu
Soukkot est censée s’achever. Mais… Dieu, dit la tradition, ne veut pas qu’on parte tout de suite.
Alors il nous garde encore deux jours.
Chemini Atséret : le huitième jour
On rentre à la maison. Fini les repas dans la soukka.
Mais pas fini la fête.
Ce jour-là, on récite la prière pour la pluie : Tefilat Guechem.
Un moment solennel. On entre dans l’hiver. On espère l’eau, la vie.
Chemini Atséret est un tête-à-tête avec Dieu.
Une parenthèse intime, sans cabane, sans Quatre Espèces. Juste la prière, le cœur.
Sim’hat Torah : explosion de joie
Et puis vient Sim’hat Torah.
Le jour où on célèbre la Torah comme un trésor infini.
Dans les synagogues, c’est la fête.
On sort tous les rouleaux de la Torah. On danse avec eux. On les embrasse.
Les enfants tournent avec des drapeaux, des chansons pleins les yeux.
On lit le dernier passage du Deutéronome, puis le tout premier verset de la Genèse.
Sans pause.
Parce que l’étude ne s’arrête jamais.
Parce que chaque fin est un début.
Soukkot : une fête à vivre avec le cœur grand ouvert
Soukkot, ce n’est pas juste une tradition ancienne.
C’est un rendez-vous vivant, entre mémoire et gratitude, entre terre et ciel.
C’est :
- une semaine pour se défaire du superflu
- une cabane fragile comme le cœur humain
- des gestes simples, porteurs de symboles puissants
- un temps fort où la foi se construit à l’air libre
Et au bout du compte ?
On sort grandi de la soukka.
Un peu plus humble. Un peu plus joyeux.
Et beaucoup plus relié à ce qui compte vraiment.
